A l’occasion de la Journée nationale du Souvenir des Victimes et Héros de la Déportation qui se déroulera le 30 avril, nous donnons la parole à la Fédération LGBTI+, qui regroupe les associations et centres lesbiens, gays, bi, transgenres et intersexes en France. Dans le texte que nous reproduisons ci-dessous, leur porte-parole rappelle combien le devoir de mémoire est nécessaire et qu’il sert aussi à éclairer le présent.
Face aux haines d’aujourd’hui et de demain, honorer la mémoire de tou·te·s les déporté·e·s
Le dernier dimanche du mois d’avril a lieu une journée nationale d’hommage aux personnes dont le destin a croisé l’infamie humaine des camps de concentration et d’extermination. Les associations et Centres LGBTI+ seront au rendez-vous pour honorer les victimes et héros de la déportation et porter le souvenir des victimes de persécutions à raison de l’orientation sexuelle ou de l’identité de genre pendant la Seconde Guerre mondiale.
C’est seulement en 2005 que dans son discours à l’occasion de la journée nationale du souvenir des victimes et héros de la déportation, le Président de la République, Jacques Chirac, reconnait officiellement qu’il y a bien eu des personnes déportées à raison de leur orientation sexuelle ou leur identité de genre depuis le territoire français. Les associations LGBTI+ et les historien·ne·s travaillant sur la mémoire avaient apporté des preuves de ces faits depuis de nombreuses années. Désormais, que des Français·e·s aient porté le triangle rose (homosexuels) ou le triangle noir (asociaux, dont les femmes lesbiennes) n’est plus remis en question. Le rôle actif de la police française et des services de l’État Français est quant à lui trop souvent oublié.
Il est pourtant fondamental d’entretenir ce devoir de mémoire et de porter un regard éclairé sur les erreurs atroces de notre passé sous peine d’avancer aveugles vers de nouvelles horreurs. Nous nous joignons à l’exigence nationale d’honorer la mémoire de tous les déportés, “sans distinction”, comme l’exprime la loi du 14 avril 1954. Une délibération ancienne de la HALDE (Haute Autorité de Lutte contre les Discriminations et pour l’Égalité) le rappelle : les préfectures doivent associer les associations LGBTI+ à l’organisation des cérémonies (Délibération 2009-2022 du 8 juin 2009). Cette décision n’est hélas pas toujours mise en œuvre par les services de l’État.
La perméabilité de plus en plus forte des idées d’extrême-droite dans la société, aidée d’une complaisance dans les médias et les milieux politiques, nourrit une grande inquiétude dans nos associations LGBTI+. L’extrême-droite porte une opposition viscérale aux droits des minorités sexuelles et de genre. L’historique des votes d’élu·e·s et les prises de position publique répétées de membres des partis d’extrême-droite ne ment pas. Nous ne sommes pas dupes de leurs opérations de séduction. Celles-ci rendent leur populisme encore plus détestable.
Depuis plusieurs années, nous assistons aussi à une stigmatisation grandissante des minorités en Europe : rejet des populations exilées, violences sur les minorités sexuelles, remise en question des avancées féministes… Ce sont parfois les gouvernements de pays membres de l’Union Européenne qui orchestrent les persécutions, comme en Hongrie ou en Pologne. La France n’est pas exempte de la montée de ces courants haineux.
La Fédération LGBTI+ note aussi la pente autoritaire adoptée par plusieurs gouvernements en Europe et en particulier en France. Le durcissement des pouvoirs face à sa population, la répression des mouvements sociaux au mépris de la loi, la militarisation des forces de l’ordre sont des indicateurs sans équivoque d’un glissement pré-fascisant. Il ne s’agit pas là d’une analyse orientée que nous ferions mais bien de l’analyse partagée par plusieurs expert·e·s internationaux (ONU, Conseil de l’Europe, Amnesty International…).
Les militant·e·s qui chaque jour défendent les droits humains des personnes LGBTI+ aujourd’hui s’inscrivent dans une histoire commune de survie face à la barbarie et le mépris. C’est toujours le même élan qui les animent : la solidarité et le respect des libertés ont toujours été plus fortes que la haine et la violence.
Cette histoire nous oblige dans notre devoir de mémoire. Elle nous oblige dans la défense de toutes les minorités exposées à la haine.
La Fédération LGBTI+ ne peut donc qu’encourager la participation de tou·te·s et tous aux cérémonies dimanche. Portons la mémoire de celles et ceux qui ont croisé l’horreur humaine sur leur chemin car nous savons que le ventre est encore fécond et qu’il a commencé à germer à nouveau.
Kévin Galet-Ieko, porte-parole
Antonin Le Mée, porte-parole adjoint